La révolution en marche
Le croirez-vous ? Dimanche dernier j’ai vu une jeune femme qui s’appliquait à repriser ses chaussettes. C’était pas à la télé et c’était pas pour un film historié. C’était chez ma copine Suzanne, qui m’offrait le café. Sa petite fille de 26 ans était là (bien à distance…) et, j’en suis témouine , elle ravaudait ce que je viens de vous dire….
La chaussette d’Emilie était beige et …ses fils à repriser rouges et dorés ! » De mon temps » , à l’école ménagère, les jeunes filles que nous étions, tentaient , tant bien que mal , de réaliser des reprises le plus discrètes possibles. Je restais donc dubitative devant l’ouvrage en cours. De son coté, la sympathique mais anachronique ravaudeuse, se mit en devoir de m’expliquer qu’ elle pratiquait le » reprisage créatif » : c’est un concept totalement révolutionnaire et très osé… qui consiste à rapiécer les patates des chaussettes . Enfin, ça c’est moi qui le dit ! Emilie, elle, pratique la broderie « upcycling » qu’elle a découvert lors d’un stage avec une grande créatrice japonaise…zut, j’ai oublié son nom, mais qui, semble-t-il, est très très experte dans le domaine de la patate ; euh, je veux dire du « reprisage assumé des trous …de chaussettes ».
Un grand jour se prépare
De fil en aiguille (si je puis me permettre…) avec Emilie, j’ai donc essayé d’approfondir la question. Je lui ai dit qu’il me semblait, qu’actuellement, certains individus achetaient ( assez cher) des jean troués. Parfois même, il les trouaient eux-même ; ces derniers étaient-ils…créatifs, économes, fauchés ? De fait , pouvait-on alors trouver à acheter des « chaussettes neuves trouées » ?
Vu sous cet angle
De même, (continuais-je de m’interroger) était-ce les même personnes qui suivaient ensuite des stages ( plus ou moins chers) de » reprisage créatif de jean déchirés » ?
Et si oui, n’anticipaient-ils pas un peu trop les choses ? Ne suffisait-il pas simplement d’attendre la prochaine mode du « Jean neuf, troué, puis rapiécé ? «
L’air quelque peu perdu d’Emilie, me permit de comprendre qu’elle n’avait jamais songé à tout ça de cette façon…
Un monde sauvage
Mais très vite, et fort à propos, Emilie s’est reprise…
…Il fallait que je comprenne certaines choses, me dit-elle : » en fait, tout se joue actuellement dans le clivage existentiel fondamental qui existe entre les deux tendances radicalement opposées que sont la » fast fashion » et le » slow wear » ….????…. Fichtre, l’ affaire est sérieuse !
« La fast fashion » – continua-t-elle sans reprendre son souffle – est un concept de mode jetable qui incite à créer et consommer rapidement des vêtements bon marché. Cette tendance se soucie peu des enjeux éthiques et de l’impact écologique directement liés à sa pratique. »
Attention, tenez-vous bien , maintenant voici la définition du » Slow wear « : » c’est une mode éco-responsable qui privilégie des vêtements éthiques, biologiques et basiques de qualité, conçus pour durer. Le « slow wear » est un concept engagé qui souhaite donner un sens à ce que nous portons »…Ouf !
Jusqu’où n’irons-nous pas ?
Ouahh, ouhh, trop fort ! Ainsi, depuis des années j’avais sous les yeux des armées de jeunes (et moins jeunes) rentrés en rebellion « vestimentaire », et je n’avais absolument rien vu !
Ils reprisent donc, ils résistent : bravo Emilie!!
Le concept est fantastique et il me fait immédiatement penser à Gandhi. Très avisé, le grand homme avait compris que l’acte de tisser pouvait devenir symbole de révolution non violente. Actuellement la production naturelle et traditionnelle est également le fer de lance de ces beaux mouvements de » slow création ».
Je formule un souhait Emilie : puisse les généreuses aspirations de votre génération ne pas être trop vite récupérées à des fins mercantiles et…. faites qu’on ne nous propose jamais de « jeans neufs, troués puis rapiécés« !
LA MORALE DE L’ HISTOIRE c’est qu’ ici, en l’occurence, l’habit fait plutôt le moine .
Post scriptum
Et un peu sur le même sujet, le film de Martin Provost « La bonne épouse ».
Avec Juliette Binoche, Yolande Moreau, Noémie Lvovsky, François Berléand et Edouard Baer, pour les acteurs les plus connus. Cette comédie relate le quotidien d’une école ménagère en 1968. Pour rire et sourire sans modération!
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