Une jardinière en herbe
Voici quelques temps, confinement persiste, je me suis mise à jardiner.
Attention les amis, je ne parle pas de « jardinet rikiki à sa mémé » avec trois plans de fraises, un bouquet de persil et quelques fleurettes dans un coin. Que nenni ! J’évoque ici le Vrai Jardin, celui qui est « Potager ». Le grand, le noble jardin nourricier et ses généreuses promesses de beaux et bons légumes naturels et résistants ; comme il se doit.
Je vous entends déjà : « ben dis-donc, c’est pas la grande aventure tout ça ! » A cela je répondrai : non mais si (ou oui mais non…). Compte tenu du vécu de « Ginette d’antan », l’événement est d’importance. Pour bien comprendre les choses, il faut basculer dans les années 50. Du haut de mes 10 ans, à Boulogne Billancourt, le jardinage était alors plutôt « un truc de pauvre ». Papa, ouvrier chez Renault, avait réussi à dégoter le petit lopin de terre qui nous permettrait de nous nourrir à moindre coût. Nous autres (les gosses) étions fermement « invités » à participer à cette saine activité printanière. Nous opposions une petite résistance de principe, mais c’était peine perdue. C’est ainsi que chaque dimanche de beau temps, notre joyeuse équipée familiale s’élançait à bicyclette, à l’assaut des « Hauts de Meudon ». Là se nichait notre petit paradis de cultures. Chemin faisant, je maudissais ma monture trop petite et, genoux dans le guidon, je réalisais combien j’avais grandi ! Enfin, fatalement, l’épuisante montée finissait toujours… au potager.
Je vous laisse imaginer avec quel entrain, mon frère, mes sœurs et moi-même, participions au bien nommé « jardin partagé »
Depuis cette époque donc, sans pour autant être rancunière, l’activité jardinage ne me paraissait pas vraiment époustouflante.
Mais ça c’était avant. Avant que je ne vois les choses d’un autre œil…
Les potes à Maurice (Druon)
Grâce à Françoise – ma voisine – tout a changé. Cette dernière pratique en effet le jardinage « engagé » (?). Elle est adhérente au club des « Joyeux Tistous » et, tenez-vous bien, s’occupe d’une « grainothèque » (?) dans…une bibliothèque ! La cachotière ne m’avait rien dit; à moins que je ne me sois jamais intéressée à la question…Toujours est-il qu’en discutant « par-dessus la haie », je viens de découvrir le poteau rose.
La « relève aux pouces verts » est en marche : c’est M Druon qui doit être content !
L’armée des ombres
« Mais, qu’est ce alors qu’une grainothèque ??? » me direz-vous de plus en plus fébriles. Et bien mes Loulou, vous le croirez ou non, une grainothèque est un acte de résistance ! Je sais c’est difficile à concevoir. J’ai moi-même mis plusieurs jours à réaliser que Françoise, ma propre voisine, est cette activiste de l’ombre…qui ne le parait pas. Pourtant les faits sont là et même si la réalité peut être crue, ne nous voilons pas la face.
Ouvrons grand les oreilles et soyons attentifs car ici les choses deviennent très sérieuses :
Toute la Gaule ?…Non !
Pour mieux comprendre les enjeux de la « guérilla potagère », il faut savoir que la plupart des petites graines que nous achetons sont non reproductibles (dites F1). Leurs brevets sont détenus par des multinationales telles que «Bayer-Monsanto, Limagrain, etc ». Résultat : un piège économique, une standardisation de notre alimentation et un appauvrissement de la biodiversité. Mais quelques « petits malins des jardins » cultivent, échangent ou vendent des graines non stériles. Ils font ainsi acte de résistance contre ce système de monopole quelque peu… désolant.
La fin des haricots (F1) ?
Aussi fou que ça puisse paraître, en France, la production, la récolte et la vente de graines « artisanales » peuvent être considérées comme des activités illégales. Pourquoi ? Parce qu’elles nuisent au juteux business des multinationales du secteur.Parce que les petites graines libres ne correspondent pas aux standards agricoles.
Enfin, ça c’était avant (encore!). Avant que la « résistance jardinière » ne porte ses fruits. En effet, en octobre 2018, l’Union Européenne a enfin autorisé la vente des semences paysannes.
Petit bémol, ce ne sera réalisable qu’en 2021…
Le truc du troc
Et sinon, à part « ça » c’est quoi une grainothèque ?
Et bien c’est un endroit où on prend et où on dépose les semences qui nous plaisent. C’est gratuit, c’est libre, c’est réactif, c’est créatif. Bref, c’est vivant !
« Mais zalors, les vilains industriels sont dans les choux ? » (Je fais vous…). Hélas non, le « grand public » est sous informé. Reste à présent à communiquer ; conserver et consolider les acquis : y a du pain sur la planche et d’autres batailles à mener !
Tout ça n’est pas très drôle alors ? Bah, ça dépend de comment on prend la chose ! Pour ma part, je sabote, je sabote, je sabote… « le système industriel ». Je cultive, je multiplie, j’échange… les « bonnes » graines. Je trouve ça plutôt marrant !
Sous les pavés les fleurs
Dernièrement j’ai appris que je pouvais même devenir poseuse de bombes…à graines : la perspective n’est pas pour me déplaire !
La résistance « de ville » pourrait également consister à végétaliser un arrêt de bus ou bien un mur un peu triste ; mais tout ça est bien sportif à mon âge ! Enfin, à voir….
Maintenant que nous allons déconfiner , je sens que nous allons bien nous amuser !
LA MORALE DE L’HISTOIRE: dites-le avec des fleurs, ce sera toujours plus joli !
Rétroliens/Pings